Livre d'artiste
Lithographie du livre.
Titre :
Le bassin, les ombres
Auteur : Michel Gravil, illustrations de François de Asis.
Format : 26X32cm, impression typo, lithographie tirée sur presse à bras en 6 couleurs, hors texte en typographie impression noire, tirage limité à 40 exemplaires numérotés et signés.
Résumé : Poésie illustrée


Images, vidéo de François de Asis et texte de présentation en cliquant sous l'image sur "plus d'infos".




Livre d'artiste
François de Asis ou la déchirure de l’Absolu

La peinture de François de Asis est fondamentale en ce qu’elle éclaire les fondements de la perception et interroge constamment la Présence dans sa relation au regard. Dans une époque qui tend à perdre de vue toute visée ontologique au profit d’une phénoménologie techniciste et finalement indifférente à ce qu’une œuvre peut avoir à dire sur le monde ( non sur le monde seulement humain, mais sur le réel en son obscurité foncière) sa peinture apparaît comme un vestige du XIXe et du XXème siècle, alors qu’elle peut-être et sans doute même plus profondément neuve que nombre d’œuvres contemporaines qui n’ont plus d’autre ambition que constituer un lieu où viennent se cristalliser -ou se sacraliser- les caprices du présent. Entre les caprices du présent et la peinture de la Présence, le choix est vite fait pour qui refuse de perdre de vue ce qui doit bien pourtant constituer le fond de toute vie humaine authentique, à savoir la charge d’énigme que porte la réalité en son flux temporel et multiple. Or, c’est précisément ce qu’a en vue François de Asis lorsqu’il restitue, constitue, destitue l’expérience sensible de son ancrage figuratif pour la ramener à elle-même, à son immédiateté vraie, à sa profusion infinie devenue figure paradoxale de l’Un absolu. Qu’il y ait fracture au sein de l’Absolu, c’est ce qu’il faut bien admettre pour que puisse affleurer, dans l’interstice infime constitué par notre expérience du monde, une perception, ou, ce qui revient au même, une relation sujet-objet. La peinture de François de Asis parvient à saisir leur unité fondamentale en inversant les rôles, et avec raison : c’est le réel qui s’émerveille, et le sujet qui se limite à constituer un prisme où celui-ci vient seulement se refléter. Mais c’est tout autant le sujet qui consent à ses leurres et à ses illusions projectives comme autant de modalités paradoxales de la réalité du réel, ouvrant alors le champ de la Présence. Le réel réalisé par ses détours dans les différents prismes du regard et de la perception, la perception investie par un réel dégagé de toute norme ou catégorie, et ce dialogue comme forme essentielle d’une déchirure au sein de l’Absolu, tels sont peut-être quelques uns des aspects de cette peinture habitée et soucieuse de ne point trop de soucier non plus de ce que d’autres ont pu expérimenter sur un mode plus tragique. « Tranchons-en, aurait dit André Breton : le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau. » On pourrait ajouter – et pour nous persuader de n’être en rien hostile à notre époque, qui pour avoir ses faiblesses, porte en elle-même un nombre de véritables artistes qu’aucune époque n’aurait osé rêver – que ce goût et ce sens du merveilleux conserve, pour les raisons que nous avons rappelées, toute leur actualité : une exposition de Jean-Michel Othoniel à Beaubourg, de grande qualité, s’intitule et s’exporte en ce moment au Japon sous le titre que voici : «  Le réel merveilleux ». Il faut y voir la récurrence, et en un sens l’universalité d’une quête, celle qui consiste à saisir, de façon non-conceptuelle, mais intuitive, immédiate, sensible, l’unité fondamentale de ce qui se donne ou  s’ouvre dans l’espace laissé béant par la déchirure originelle. Il est sans doute plus difficile de s’y tenir, mais « qu’il faille se tenir au difficile, disait Rilke, est une idée qui ne doit point nous quitter. »  La lithographie qui orne Le bassin, les ombres, comme le dessin qui en traverse de part en part la couverture ne cesse de nous y ramener, et nous rappelle, par la répétition du Même, par la démultiplication en droit infinie du motif, à l'altérité de l'Autre, de même que les blancs, les effacements, les traits les plus disparaissants du dessin de François de Asis ne cessent d'éclairer ceux plus profonds, et réellement cachés, de la Présence.

M.G





Vidéo réalisée par christophercoffey@me.com pour L'air de rien, utilisée avec l'aimable autorisation de son auteur.
François de Asis est également édité chez FATA MORGANA